La Mauritanie entre par effraction dans la prise d’otages d’In-Amenas

altUne agence de presse mauritanienne, une radio et un site d’informations ont acquis une place centrale dans la diffusion d’informations concernant le conflit malien. Lors de la prise d’otages d’In-Amenas, en Algérie, les médias mauritaniens ont de nouveau été omniprésents, ce qui a déclenché une controverse sur leur rôle et leurs liens, réels ou supposés, avec les groupes terroristes.

 

 

La Mauritanie est entrée par effraction dans la prise d’otages d’In amenas. Une agence de presse mauritanienne, l’Agence Nouakchott d’Information (ANI) et Radio Nouakchott, ont en effet constitué le principal canal par lequel les preneurs d’otages se sont exprimés, provoquant colère chez les uns et perplexité chez les autres de voir des médias peu connus ainsi propulsés au premier rang pour jour ce rôle controversé. Cette notoriété soudaine n’est d’ailleurs pas allée sans anicroches, comme en témoigne la polémique qui a opposé l’agence mauritanienne au quotidien algérien El-Watan. Un autre site mauritanien, Sahara Média   avait de son côté largement relayé les communiqués des groupes armés islamistes agissant au nord du Mali depuis l’été dernier.

Dès le début de la prise d’otages d’In Amenas, qui a fait 37 morts parmi les otages, alors que 29 preneurs d’otages étaient tués et trois autres capturés, l’agence ANI et Radio Nouakchott, appartenant à la même société privée, la MAPECI, se trouvaient sur la brèche. Directement contactés par les preneurs d’otages, elles ont diffusé leurs déclarations et publié leurs communiqués. L’agence ANI a toutefois affirmé avoir refusé de diffuser certains contenus qui lui étaient proposé, notamment des communications avec des otages, « par respect pour eux et pour leurs familles », comme elle aurait refusé de diffuser de la propagande pour les groupes armés.

Dimanche soir, alors que la prise d’otages avait déjà pris fin, l’agence mauritanienne publiait un nouveau communiqué de Mokhtar Belmokhtar, chef du groupe « al-moulathamine » (les enturbannés), qui a revendiqué l’attentat. Ce dissident d’AQMI semble privilégier l’agence mauritanienne pour toute sa communication.

En outre, depuis que le nord du Mali est occupé par des groupes islamistes, dont Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), le MUJAO (Mouvement pour l’Unité du jihad en Afrique de l’Ouest) et le puissant Ansar Eddine, un autre site mauritanien, Sahara Média avait acquis une grande notoriété en publiant de nombreux communiqués de ces groupes.

 

Polémique

 

« Des affinités politique peuvent expliquer le choix de ces sites par les groupes terroristes, mais cela peut aussi être du à de simples raisons pratiques », nous a dit un spécialiste algérien de la communication. « Les groupes terroristes ont besoin des média. Ils savent s’en servir. Et les médias ont besoin de ce genre de coup pour assurer leur promotion », ajoute-t-il. « La Mauritanie offre certains conditions favorables. Elle est proche du théâtre d’opération, il y a un Etat permissif, et probablement des affinités politiques », dit-il. En outre, la Mauritanie n’est pas assez marquée sur le plan politique pour nuire à la crédibilité des groupes armés. « Si ces communiqués avaient été publiés à partir du Maroc, l’Algérie aurait immédiatement crié au complot », dit-il.

Cela n’a pas empêché la presse algérienne de se poser des questions, et de mettre en cause les médias mauritaniens. Le quotidien El-Watan a ainsi accusé l’agence ANI d’être «le canal privilégié de la propagande terroriste » car « son objectif était de relayer la propagande des terroristes ». L’agence a joué le rôle de « trait d’union entre les auteurs de l’attaque terroriste contre le site gazier d’In Amenas et l’opinion publique internationale », tout comme elle a « véhiculé les messages et fait la propagande du groupe terroriste », écrit le journal, qui l’accuse d’avoir mené «une véritable entreprise de désinformation». Le journal va plus loin en affirmant que «Nouakchott Info a un lien quasi organique avec les mouvements islamistes » alors qu’un de ses journalistes « semble avoir un carnet d’adresses des djihadistes les plus recherchés de la région»

L’agence ANI a vertement répliqué contre ce qu’elle a qualifié de « campagne de dénigrement sans précédent ». Elle affirme qu’elle a réussi une prouesse médiatique qu’aucun média mauritanien n’était arrivé à s’offrir », ce qui confirme, selon elle, « la première place dans le monde arabe à laquelle elle a été classée par le très sérieux Reporters Sans Frontières ». La presse algérienne « n’y a vu que du feu », arbore fièrement l’agence ANI sur son site internet, qui se moque du journal El-Watan, qui a « préféré nous tirer dessus, à défaut de pouvoir tirer sur … les terroristes ». Affirmant qu’elle a travaillé « dans les règles de l’art », ANI conclut, avec en fanfaronnant : « En vérité, ce que nos confrères d’El-Watan nous reprochent, c’est leur médiocrité ! ».

 

Rappel à l’ordre

 

Le site de l’agence ANI a par ailleurs été piraté en pleine crise des otages. A la place de l’information principale, a été publiée une information accusant les services spéciaux algériens d’être les commanditaires de l’opération de Tamanrasset, ce qui a semé la confusion et fortement déplu à Alger.

Le travail des médias mauritaniens n’a toutefois pas inquiété la seule Algérie. En Mauritanie même, la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel  (HAPA) a convoqué le directeur exécutif de la MAPECI, la société qui gère l’agence ANI et Radio Nouakchott. Le président de cette autorité de régulation a demandé à M. Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali, patron de la MAPECI, des explications sur la couverture de la prise d’otages d’In-Amenas. Il a estimé que cette couverture s’est transformée en «une propagande en faveur des preneurs d’otages et de leurs actions».

M. Ould Aboulmaali a répondu que les deux médias ont « observé un maximum de précautions professionnelles », en respectant les règles « d’objectivité, de précision, avec professionnalisme, et dans le respect des lois». « Nous avons refusé de diffuser les déclarations des ravisseurs et des otages, sous forme d’éléments sonores pour éviter de sombrer dans la propagande », a-t-il dit.

 

maghrebemergent

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