La France va-t-en-guerre au Mali
Quoiqu’on dise, la guerre qui a éclaté le 12 janvier dernier au Mali restera dans les annales de l’histoire comme celle de la France. Et la question à laquelle tout analyse tentera de répondre est : « Pourquoi la France entre en guerre au Mali ? »
Evidemment qu’officiellement, Paris intervient sur demande du président par intérim Dioncounda Traoré. Face à l’avancée rapide d’Ançar Edine sur la capitale Bamako, le président par intérim n’a pas demandé au capitaine Sanogo, chef de la junte qui avait prétexté la « mollesse » d’Amadou Toumani Touré (ATT) devant le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), de faire son devoir de chef militaire, mais a ouvert une brèche pour la France qui n’a pas hésité à s’y engouffrer. D’autant que la France, plus que tout autre pays, a un compte à régler avec des groupes islamistes armés qui détiennent en otage sept français et ne donnent pas l’impression de vouloir les relâcher sans que Paris ne paye un lourd tribut. Mais il est certain que la vraie raison de la subite intervention de l’armée française est à chercher ailleurs. La vie des otages compte certes et Paris fera tout pour les sauver mais la France intervient pour tout autre chose. C’est, à n’en pas douter, pour des considérations géostratégiques et économiques que Paris a décidé de ne plus attendre. La chute de Konna en un tour de main a montré la fébrilité d’une armée malienne déstructurée, démotivée et mal équipée ne faisant pas jeu égal avec des groupes islamistes surarmés, grâce au pillage des stocks d’armes libyens et surtout combattant pour une cause qu’ils estiment juste sinon justifiable aux yeux de populations du nord qui réclament, depuis 1962, leur autonomie. Aussi, ce n’est pas seulement la crainte que le nord du Mali ne devienne, au cœur de sa sphère d’influence en Afrique, un sanctuaire de groupes terroristes, mais aussi que le sud ne tombe à son tour sous les coups de boutoir des jihadistes, que Paris a décidé d’intervenir militairement, déployant, au début de ce qui deviendra l’opération « Serval », des Mirages et des hélicoptères de combats pour stopper les combattants islamistes avançant vers le sud. Les premiers résultats de cette intervention militaire française, engagée sans les Africains, ont encouragé Paris à renforcer son action par l’envoi de militaires déplacés du Tchad puis, au fur et à mesure, à s’engager plus résolument dans la guerre, avec plus de 2000 hommes, pour ensuite, pousser les Africains à réagir à leur tour. Confusion générale Pourtant, les « objectifs » visés par la France et sur lesquels le président François Hollande, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian ont longtemps insisté, à savoir « stopper la menace terroriste » qui pèse « non seulement sur les pays africains, mais aussi « sur la France et l’Europe » ne sont pas convaincants. Moins convainquant aussi le fait de lier cette intervention au Mali à l’adoption, le 20 décembre 2012, de la résolution 2085 par le Conseil de sécurité de l’ONU et qui mettait plutôt en avant le rôle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La résolution de l’ONU « autorise le déploiement d’une force internationale au Mali », la MISMA, ce qui est loin de correspondre au schéma de guerre que François Hollande a finalement choisi de mettre en branle. Exactement comme l’avait fait George Bush en Irak et Nicolas Sarkozy en Libye. On lance l’attaque et on la justifie ensuite ! Personne ne cherche à défendre des groupes islamistes armés qui se sont rendus coupables de tous les crimes, y compris contre le Mali lui-même et contre la France dont ils détiennent des otages, mais dans ce genre d’intervention la cohérence doit être de mise pour que le droit international, qu’on met souvent en avant, continue à donner à l’Onu et à son Conseil de paix et de sécurité l’autorité morale et juridique nécessaire à la bonne marche du Monde. Mais surtout à la bonne marche du Mali. Car maintenant que la guerre est devenue une réalité, ce qui compte c’est de la bien finir. En éliminant la menace terroriste que constituaient sans nul doute Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO) mais en pensant aussi aux nombreuses questions que soulève la rébellion touarègue. Recoller le nord au sud ne demande pas qu’une action militaire car avant le rétablissement de l’Ordre par la France, le Mali et le Niger voisin ont eu à faire face à plusieurs soulèvements touaregs : 1962-1964 (au Mali), 1990-1995 (au Mali et au Niger), 23 mai 2006 (au Mali) et 2007-2009 (au Mali et au Niger). Qu’ils ont toujours maté, militairement, ou en négociant par l’entremise du défunt guide libyen Kadhafi, avant de faire face à une nouvelle rébellion ! Un problème sous régional Il faut avoir à l’esprit que la population touarègue est estimée à entre 1,5 million et 2,5 millions d’individus selon les sources. Ils sont les habitants historiques de la région sahélienne divisée par la colonisation entre l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Leurs revendications sont celles d’une minorité qui demande le maximum (l’indépendance ou l’autonomie interne) pour obtenir le minimum (l’égalité des chances). Loin de la contamination « jihadiste » qui a gagné le mouvement Ansar Edine, formé essentiellement de Touaregs et s’opposant à la ligne « laïcisante » du MNLA, l’exigence d’une prise en compte de la spécificité du nord doit faire partie de la feuille de route que la communauté internationale doit tracer pour Bamako à la fin de la guerre. Dans le cadre d’un vrai retour à la démocratie car, on a tendance à l’oublier facilement, la crise malienne est aussi celle de ce pouvoir bicéphale (civil et militaire) dont les ficelles continuent d’être tirées par le président du Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE), le capitaine Amadou Haya Sanogo. Un vrai casse-tête malien ! Sneiba Mohamed
saharamedias