Nécessaire coopération au Maghreb dans la lutte contre le SIDA, selon les experts
Aminetou Mint El Moctar est l’une des grandes personnalités mauritaniennes qui s’est faite connaître pour son investissement dans la lutte en faveur des droits des femmes en Mauritanie, luttant inlassablement depuis presque deux décennies contre les discriminations sexistes et l’esclavage.
En 1999, elle a fondé l’Association des femmes chefs de famille (AFCF) pour aider les victimes de violences conjugales, de viols et de trafics. Après avoir obtenu le Prix des droits de l’Homme de la République française en 2006, elle a reçu en 2010 des mains de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton une distinction pour son combat contre l’esclavage moderne.
Soucieuse d’aborder les sujets controversés, Mint El Moctar espère dorénavant sensibiliser sur la question de la santé sexuelle et faire exploser les stéréotypes qui concernent le VIH/SIDA.
Magharebia : Pouvez-vous revenir sur l’attitude de la société mauritanienne envers les personnes séropositives ?
Aminetou Mint El Moctar : Au niveau de la société, quelqu’un qui est atteint du SIDA est complètement rejeté. Il n’a plus aucune considération de son entourage. L’État aussi est souvent absent et ces personnes sont abandonnées à elles-mêmes. Elles ne jouissent d’aucun soutien et parfois, le diagnostic de la maladie se fait trop tard.
Magharebia : Et qu’en est-il du soutien des ONG et des religieux dans la lutte contre la maladie ?
Mint El Moctar : Il faut dire que la lutte contre le SIDA devient un moyen pour gagner de l’argent pour certains et que le résultat est inexistant.
Quant aux hommes religieux, ils peuvent avoir un rôle très important à jouer parce qu’en Mauritanie, le discours religieux est mieux écouté que tout. L’Association des oulémas a déjà participé aux campagnes de sensibilisation. Malheureusement, les imams ne parlent pas beaucoup du SIDA dans leurs prêches. Ensuite, ils ne parlent généralement que du volet abstinence. Par ailleurs, il faut souligner que les imams eux-mêmes sont exposés et il y en a un qui a déjà été victime de la maladie. Donc, les imams doivent être formés et leurs prêches orientés.
Magharebia : Pensez-vous que le gouvernement mauritanien en a fait suffisamment pour juguler le mal ?
Mint El Moctar : C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de stratégies, de plans d’actions, mais les résultats ne suivent pas ! Les autorités non plus n’ont pas fait grand-chose. Et ce n’est pas normal. La Mauritanie est signataire des conventions internationales qui garantissent les droits élémentaires des victimes : droits aux soins, à un environnement favorable, au travail. Les personnes atteintes du VIH doivent être accompagnées pour alléger leurs souffrances. Elles ont aussi le droit d’être réinsérées.
Magharebia : Ne pensez vous pas qu’une coopération plus poussée entre organisations maghrébines pourrait apporter quelque chose à la lutte contre ce fléau ?
Mint El Moktar : Effectivement, je trouve cela bien, car l’union fait la force. Nous avons toujours milité au sein de notre association pour une union des organisations maghrébines et ce dans toutes les activités, et notamment celles ayant trait aux droits de l’Homme. Nous faisons partie à la fois du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. Nous constituons un trait d’union. Nous devons donc conjuguer nos efforts pour créer une dynamique d’échanges. Nous avons déjà au sein du Maghreb arabe une union dans le domaine des droits de l’Homme, et il serait tout à fait bénéfique d’en créer une dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA.
Par Bakari Gueye à Nouakchott pour Magharebia