Pourquoi Aqmi adore les médias mauritaniens

 

altLes sites mauritaniens sont une véritable mine d’or pour qui s’intéresse à la situation du Nord-Mali. Infos exclusives, rumeurs, photos ou vidéos émanant directement de la nébuleuse d’al-Qaida au Maghreb Islamique sont souvent relayées par ces derniers. Comment expliquer cette proximité de surface, alors que la Mauritanie s’est illustrée comme l’un des plus virulents acteurs contre le terrorisme au Sahel ?

Les médias mauritaniens, relais d’al-Qaida ?

Les médias mauritaniens sont en en effet presque toujours les premiers (pour ne pas dire les seuls), à diffuser les communiqués et les objets audiovisuels des groupes islamistes armés. Dernière vidéo en date : celle du Français Gilberto Leal Rodriguez enlevé par le Mujao (Mouvement pour l’Unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest) le 20 novembre à Diéma au Mali.

Alors qu’elle avait aussi été envoyée à l’AFP, cette vidéo n’a été diffusée que par les sitesAlakhbar info et Sahara Média, tous deux mauritaniens.

Comme toujours, les deux sites ont «siglé» la vidéo, pour ne pas qu’elle puisse être reproduite sous un autre nom que les leurs, s’arrogeant ainsi une exclusivité quelque peu sordide sur le droit à l’image des otages détenus au Sahel.

Le deuxième d’entre eux, le site privé Sahara Média, s’est fait une véritable spécialité de la diffusion d’infos made in Aqmi. Souvenez-vous, c’est ce même site qui avait mis en ligne la vidéo d’un pseudo djihadiste français, quinquagénaire breton vivant à Tombouctou se faisant appeler Abdoul Jelil.

De la même manière, la très sérieuse agence de presse Nouakchott Information avait réussi le tour de force d’obtenir à la fin du mois d’octobre  une interview exclusive du numéro un d’al-Qaida au Maghreb Islamique, Yahya Abou Hamame.

 

Comment les journalistes mauritaniens sont-ils si proches de la nébuleuse Aqmi ?

Dans cette interview, le journaliste mauritanien Ely Ould Maghlah de l’Agence Nouakchott Information donnait quelques précisions sur les liens qui permettent aux agences mauritaniennes d’être les interlocuteurs privilégiés d’al-Qaida au Maghreb Islamique.

A la question du journaliste de RFI, lui demandant pourquoi son agence avait pu s’entretenir plusieurs fois de suite avec les cadres d’Aqmi, le journaliste mauritanien avait répondu :

«Notre rédaction a peut-être de la crédibilité. Et c’est tout ! Ce n’est rien d’autre !», écartant de cette manière toute forme de soupçon de duplicité qui auraient pu peser sur lui.

Cherchant à aller plus loin, le journaliste de RFI avait alors posé la question :

«Le gouvernement mauritanien a fait savoir qu’il n’enverrait pas de troupes contre Aqmi. De son côté, Aqmi choisit votre agence d’information pour s’exprimer. Est-ce qu’on peut parler d’un pacte de non-agression, entre Nouakchott et Aqmi ?»

A quoi le journaliste mauritanien avait répondu

«La question a été posée à Abou Hamame (le numéro un d’Aqmi ndlr). On lui a dit : “on sait qu’il y a une trêve depuis quelque temps. Il n’y a plus d’attaque contre la Mauritanie. Est-ce qu’il y a une trêve tacite ? Est-ce qu’il y a un accord tacite entre eux et le gouvernement mauritanien sur ce dossier ? Et il a répondu tout simplement : nous avons déjà appelé ce régime au repentir. Ils savent où aller.” Il a estimé que les Etats-Unis avec leurs alliés, qu’il décrit comme païens croisés,  sont des ennemis principaux d’al-Qaïda, et que l’action d’al-Qaïda vise en premier lieu ces pays-là».

 

En Mauritanie : si tu veux la paix, prépare la guerre avec Aqmi

L’hypothèse d’une certaine forme de paix sociale concédée par le gouvernement Mauritanien aux islamistes radicaux n’est donc pas à exclure. Car il est de notoriété publique que certains gouvernements préfèrent calmer le jeu avec les milieux terroristes plutôt que d’entrer en guerre ouverte avec ces derniers.

C’est en partie le cas de l’Algérie, que l’on sait très embarrassée sur le dossier malien. Rien d’étonnant puisque les fondateurs historiques d’al-Qaida au Maghreb Islamique sont les anciens leaders du GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat), organisation islamiste algérienne elle-même issue du Groupe Islamiste Armé qui avait semé la terreur à travers le pays dans les années 1990.

L’Algérie, qui prône le dialogue depuis le début de la crise malienne, souhaite conserver le plus longtemps possible la tranquillité précaire qu’elle est parvenue à obtenir en demeurant raisonnable sur les questions sahéliennes.

Pour la Mauritanie en revanche, l’histoire est très différente. Le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait en effet fait de la lutte anti-terroriste l’un de ses chevaux de bataille dès sa prise de pouvoir (par un coup d’Etat en 2008), et s’était imposé dans la région comme le plus enclin à combattre les groupes islamistes qui menaçaient déjà le Sahel.

En mars 2011 le journal Libération avait d’ailleurs jugé son attitude de séduction envers les occidentaux quelque peu étonnante, et l’avait en partie attribué à sa volonté de reconquérir une opinion publique mauritanienne lassée par le personnage.

En multipliant les arrestations et les coups de force, il est ainsi parvenu en très peu de temps à couper court aux ambitions d’Aqmi en Mauritanie, malgré les tentatives plus ou moins ratées de cette dernière pour déstabiliser le régime. Depuis, un pacte de non-agression semble régir les rapports entre la Mauritanie et les djihadistes sahéliens.

En revanche, au sujet d’une intervention militaire dans le Nord-Mali, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz partage en quelques sortes la position algérienne : ne pas trop s’immiscer pour ne pas rouvrir les vieilles cicatrices qui risqueraient de s’infecter.

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